dimanche 19 octobre 2008

La rivière Loza et le port d’Antsohihy


Pourquoi aller s’amarrer à Antsohihy , ( prononcer Antsoui ) bourgade bien enclavée dans les terres, et que j'ai déjà traversée maintes fois, car c'est une étape sur la nationale 6 ?
Parce que la magnifique rivière Loza y mène, sur 35 milles qui comptent parmi la plus étranges et les plus beaux que j’ai jamais parcourus. La Loza, avec ses gorges, ses tourbillons sacrés, l’immense lagune en son centre, et ses forêts bruissantes d’oiseaux, est très profonde par endroit, plus de 80 mètres. Elle est dominée par des collines rouges, et parcourues par des vents forts et réguliers. Il y a des crocodiles, des dauphins, mais qui restent invisibles.
Tout est si vert - impression de traverser un parc anglais sous spinnaker.
A trente milles de l’embouchure, un confluent mène à la rivière principale, qui n’est plus vraiment navigable : bien des boutres s’y sont échoués, me dit-on.
On déboule, toujours vent du bas sur le bras d'Antsohihy, où on évite des boutres, des baigneurs, des pirogues surchargées de charbon et où enfin on amarre - pour la première fois à Madagascar– Bilitis à quai.

Comme c'est bien, un quai ! Le port amont se trouve dans un tout petit bras de rivière qui laisse a pleine la place aux pirogues de nous dépasser. Il y a des flâneurs, et même l’éclairage nocturne, sur le entrepôts proches. Presque une marina … On peut aller manger des brochettes en ville à pied... n’est-ce pas le comble de la civilisation ? Hélas il faut faire vite, car la marée ( avec trois heures de retard sur l’horaire d’Hell-Ville) vide la rivière, brusquement, comme si on avait ouvert une écluse !
Bilitis se trouve à minuit posé sur un fond de vase, quatre mètres en dessous de la muraille du quai, heureusement bien protégée par de pneus.
Plus propice au sommeil, le mouillage du lendemain est situé dans un bras de rivière, face au nouveau port. Les courants y sont forts ( on s’en apercevra en levant l’ancre quand un tourbillon emmènera Bilitis cueillir quelques feuilles d’arbres dans les filières du bastingage.), mais l’eau est propre, et il fait bon y rester quelques jours. Roger en profite pour présenter sa fiancée à sa mère qu’il n’avait pas vu depuis huit ans, et renouveller ses papiers maritimes.

On redescend la belle Loza en partie de nuit, sous la pleine lune. Etrange sensation en mouillant en centre de la lagune : quand l’ancre accroche par 10 metres de fond, j'entends un bruit d'eau bizarre : c'est le courant, quatre noeuds au loch-mètre, qui fait cet impressionnantee succion entre les coques. Cette rivière est un monde changeant et habité, j’ai bien envie d’y revenir.